Lorsque les beaux jours arrivent enfin (!!) tout apiculteur consciencieux doit effectuer au rucher une visite de printemps. Il s'agit de la première ouverture de la ruche depuis le début de l'hiver, c'est l'occasion de constater l'état de celle-ci (sanitaire et développement). Hier était une journée parfaite pour faire MA visite de printemps à ma ruche unique : soleil sans nuage, pas de vent, 20°... les conditions idéales.
Pour être franche, plusieurs heures avant, je sentais monter le stress comme lorsque je faisais des concours d'équitation, celui qui vous coupe les pattes bien avant l'heure et vous empêche de manger et de prendre des forces (je ne savais pas à quel point j'en aurais eu besoin !)
Première constatation : c'est la première fois que j'effectue une visite à la ruche dans ses conditions ! Un champs immense de colza qui se trouve derrière la ruche, et les buissons fleuris de prunus à proximité les rendent très excitées ! Des herbes hautes devant l'entrée de la ruche ralentissent le retour des abeilles. Elles sont bien une trentaine à voler devant. Clairement, c'est pas le moment d'avoir un trou dans la vareuse ! ;o) Me voilà donc pénétrant à petits pas sur le champs de bataille armé de mon fidèle enfumoir (qui me lâchera avant la fin ... le traître !) La première des choses à faire avant même d'ouvrir la ruche... c'est le ménage ! Il y a des herbes hautes partout que j'écrase tout autour de la ruche, histoire d'y voir plus clair. J'en profite aussi pour couper un peu les ronces et les branches basses qui pourraient accrocher ma vareuse (je ne tiens pas du tout à leur laisser ne serait-ce qu'un centimètre de peau à l'air !)
Ensuite, je peux enfin commencer à ouvrir... j'ai déjà 4 ou 5 gardiennes qui tapent contre ma vareuse pour me faire comprendre de déguerpire... l'ambiance va être hot ! Il faut dire que lors de mes dernières visites, j'avais très peu observé ce comportement et seulement à la fin d'une visite avec 2 ou 3 gardiennes. Là j'ai à peine enlevé le toit ! La ruche n'est même pas encore ouverte ! Donc soit elles sont vraiment très excitées par le colza et les prunus, soit elles sont plus nombreuse... dans les deux cas c'est une bonne chose, je ne vais donc pas m'en plaindre (même si c'était plus facile avec ma poignée d'abeilles douces l'année dernière !).
De toute façon, j'ai un programme chargé, donc je ne traîne pas : le toit se retrouve rapidement à l'envers, posé contre la ruche. Idem pour le couvre cadre (une planche de contreplaqué qui se place entre le corps de la ruche et le toit... si vous avez du mal à visualiser, dites le moi, je ferais un cours avec schéma et photos !). Me voilà au contact direct avec les cadres et les filles... et ça piaille si je puis dire ! A partir de cet instant, inutile de me parler ! Sauf à hurler, je ne comprends plus rien, je suis assaillie par le bruit des abeilles : le bzzbzz assez éloigné de celles qui sont encore dans la ruche, le bzzbzz de toutes celles qui me tournent autour et le gros bourdonnement de la garde spéciale qui tente toujours de passer outre mes protections en tapant contre la vareuse ! A plusieurs reprises mon homme a essayé de me parler. J'ai entendu sa voix, je n'ai rien compris de ce qu'il me disait ! ;o)
L'objectif de la visite est multiple. Il faut d'abord retirer chaque cadre pour les observer un par un et de chaque coté : vérifier l'état du couvain (les larves d'abeilles), vérifier les réserves, vérifier s'il y a des cellules royales (élevage d'une reine qui favorise l'essaimage) et si oui les détruire pour tenter de limiter l'essaimage. Ensuite il faut changer 2 cadres par des cadres neufs. Et j'avais prévu de poser la hausse le jour même pour limiter les interventions au rucher (qui dérange les abeilles quand même) et être sure qu'elles ne manquent pas de place... surtout avec le colza derrière !
Ouhh, les gars, y a du monde !
Donc j'ai sorti mon premier cadre (avec difficulté, la propolis colle tout !) et j'ai commencé par essayer dans chasser les abeilles pour le poser ailleurs... Pour ce faire on préconise deux techniques : balayer avec une brosse douce (brosse d'apiculture hein, pas la brosse du chien !) ou taper le cadre une fois contre le bord de la ruche. Dans les deux cas, les abeilles sont censées tomber dans la ruche... Mouais... je me demande si ce n'est pas une forme de bizutage d'aller raconter ça aux petits nouveaux ! Parce qu'au premier coup de brosse, la moitié des abeilles se sont envolées et elles étaient pas contentes ! Et elles ont eu tôt fait d'identifier le coupable : MOI ! ;o) Grosse montée de stress ! Je pose la brosse et applique la deuxième technique : un petit coup contre la ruche : même résultat ! Grande envolée des filles et en prime j'ai aussi énervé celles qui étaient (presque) tranquille dans la ruche ! Pour ma part, je respire un grand coup et je tente de destresser ! Et finalement, je pose le cadre encombrant contre le toit, avec les abeilles dessus mais sans les écraser.
Ouhh, ça vole, ça vole !
Avec un cadre en moins dans le corps, je peux plus facilement décaler les autres cadres et les retirer... Deuxième cadre : j'observe, pas de couvain sur celui-ci (trop éloigné du centre), un énorme trou (ba alors les filles, on fait le boulot à moitié ?!). Je détruis ce qui ressemble à une cellule royale et ça ne fait pas plaisir aux filles à ce qu'il me semble. Et je le repose.
Le cadre moche ! Vous voyez le trou ?
Sortie du troisième cadre. Je prend le temps de l'observer. Je laisse les abeilles marcher dessus tranquillement et je regarde les cellules lorsque l'une d'elles est visible. Pour la première fois j'ai vu une larve ! Cool ! Moi être contente ! Moi être moins stressée aussi et du coup les neurones refonctionnent un peu : "Tiens et si je cherchais la reine !" que je n'ai encore jamais vu. En plus les abeilles marchent toutes dans un sens sur ce cadre. Alors je suis leur mouvement des yeux et à peine quelques secondes après : "Bingo !! La voilà !!" J'ai admiré ma "petite" reine marcher tranquillement sur le cadre... Et comme je n'ai pas d'élément de comparaison, je m'inquiète un peu parce que je l'imaginais plus grosse. Est-elle trop vieille maintenant ? Devrais-je laisser la ruche essaimer (dans ce cas, c'est la vieille reine qui part avec la moitié des abeilles mais elle laisse une reine toute jeune !)
Je viens de repérer la reine... petite conversation télépathique !
Bref, je repose délicatement le cadre en évitant d'écraser la précieuse reine. Petite ou pas, j'en ai qu'une bien sur et elle est indispensable à la survie de la ruche. J'ai observé de la même façon le quatrième cadre. J'ai eu beaucoup de mal à déterminer si le couvain était de bonne qualité. C'est bien gentils d'avoir vu des photos en cours... mais en pratique, il faut trouver ses marques et ses pas encore mon cas. Donc je suis incapable de dire si mon couvain est bon (et donc si ma reine est encore de bonne qualité). Autant que je me souvienne, il n'y avait pas de trou, ce qui est déjà une bonne chose.
En reposant le quatrième cadre, je me suis sentie exténuée ! Pas moins ! J'étais épuisée par la chaleur, mon combat perpétuel contre la trouille, le doute sur ma façon de faire et les efforts physiques pour décoller et lever ces put*** de cadres collés au bord de la ruche ! En plus de ça, mon enfumoir commençait à battre de l'aile (comprenez : j'avais plus de fumée, donc plus de roue de secours !) Et vu ma fatigue, je me suis dit qu'il fallait pas trop tirer sur la corde, au risque de tomber dans les pommes à coté de ma ruche ouverte... pas glop comme vision !
J'ai repris mon cadre posé dans le toit, j'ai repris ma brossette et balayé tout ce petit monde sans faire attention à leur mécontentement. Je ne voyais pas d'autre façon de faire de toute façon. Une fois le cadre nettoyé des abeilles, je l'ai appuyé contre un buisson et je me suis à nouveau concentrée sur mon corps de ruche. J'ai décalé tous les cadres d'un coté pour récupérer le dernier cadre, le plus à l'extérieur. J'ai mascagné pendant au moins 5 bonnes minutes pour sortir ce foutu cadre qui ne venait pas. J'ai hahanné comme un âne, j'ai soufflé comme un bourricot ! Rien n'y faisait ! J'ai finalement sorti mon arme fatale ! Un lève-cadre en pince dont j'évite de me servir parce que parfois... je sers mal et le cadre retombe ! Mais là, en me servant de celui-ci d'un coté et de l'autre lève-cadre normal de l'autre, j'ai réussi à soulever le bestiaud ! Qui s'est révélé être un énooorme cadre de miel et de pollen ! Je l'ai nettoyé des abeilles et posé avec l'autre contre le buisson. Dans l'espace laissé, j'ai inséré un cadre neuf. J'aurais du décalé un cadre et le mettre entre, mais j'avais perdu quelques neurones avec les litres d'eau qui me dégoulinait le long du corps ! Ensuite j'ai tout décalé en faisant attention au cadre où était posé la reine, et j'ai inséré l'autre cadre neuf en seconde position de l'autre côté.
Là, je mascagne...
Admirez mon arme fatale et ce joli cadre !
Si j'avais réfléchi, j'aurais laissé le cadre de miel (qui est leur réserve et je n'ai même pas vérifier si elles en ont d'autres ! Heureusement que y a du colza derrière !) et inséré un cadre neuf à coté. En revanche j'aurais enlevé le premier cadre et de le second observé, que j'avais trouvé bien moche... Mais sur le moment, je n'avais plus de jugeotes ! Ensuite j'ai demandé à mon homme de m'apporter la grille à reine et la hausse. La grille à reine est une grille (sans blague !) qui se place entre le corps et la hausse. Le but c'est d'éviter que la reine ne monte pour pondre en haut alors qu'on veut qu'elles mettent uniquement les réserves de miel (qu'on viendra leur piquer en fin de saison !) Sauf que là, l'enfumoir m'a définitivement dit m*** et n'a pas daigné se rallumer malgré mes efforts (à deux mains puisque que je n'avais même plus la force d'activer le soufflet d'un seul bras ! Une loque !). J'ai donc du poser la grille alors que des abeilles étaient posées sur les cadres... et là rien à faire, j'ai bien du en écraser au passage et je vous avoue, malgré le stress et la trouille au summum... j'ai eu mal au ventre et au coeur d'en tuer au passage.
Fin de l'enfumoir !
Mais inutile de traîner dans les parages. J'ai posé la hausse, vider les abeilles qui étaient restées dans le toit, posé le couvre-cadre, le toit, remis le piège à frelons et les pierres sur le dessus, remballer tout mon équipement, et pris les 2 cadres plains sans demander mon reste ! Je me suis barrée sans me retourner... et accompagnée d'une dizaine de gardiennes qui n'avaient pas dit leur dernier mot ! Une fois le matos déposé plus loin et les cadres protégés dans un drap, j'ai marché un petit moment le long de la route, toujours habillée en cosmonaute en attendant que la dernière gardienne (qui mérite une médaille pour son acharnement !) ma lâche enfin ! Dès que ce fut fait, j'ai pas traîné ! J'ai enlevé la vareuse et me suis posée à l'abri dans la voiture fermée ! Haaaa... le silence !!! C'est bon !!
Pour conclure : je n'ai pas observé la moitié des cadres... pas biienn ! J'ai eu une trouille pas possible qu'il faudra mieux gérer (beaucoup mieux gérer !). J'ai des courbatures partout dans le dos, les épaules et les bras : je suis une petite femmelette qui n'arrive pas à soulever les cadres Dadant... Du coup, je suis encore plus impatiente de pouvoir utiliser mes ruches Warré (un autre modèle) prêtes mais vides pour le moment ! Imaginez qu'un cadre Warré est quasiment moitié plus petit qu'un cadre Dadant !! (et donc moitié moins lourd si vous me suivez !) Je vais avoir l'impression de jouer à la dînette, mais honnêtement, ce sera bien plus confortable pour moi ! Hors de question de développer les Dadants ! Vive les Warrés !! (faudra que je vous explique pourquoi un jour !)
La prochaine fois, je vous raconte ce qu'on a fait des deux cadres enlevés... enfin surtout celui qui est plein de miel ! ;o)
A la prochaine les filles !