dimanche 23 mai 2010

Morituri - Yasmina Khadra



Lors de l'opération Impulse II, j'avais eu la joie de recevoir ce livre de la part de Lasardine accompagné d'une tablette de chocolat au lait avec coeur de truffe et coulis de caramel avec une pointe de sel (une tuerie !). J'ai donc profiter de mes vacances pour inclure ce petit livre dans mon programme entre deux lectures de vampires. Et puis ... j'ai tout mangé le chocolat !

Et bien j'ai été fort déroutée par ce livre ! En tout bien, tout honneur ! L'écriture de Yasmina Khadra est intransigeante, forte et ne se laisse pas deviner au premier regard. Elle exige de l'attention car certaines expressions sont très imagées (et tellement parlantes).

Le narrateur est le commissaire Llob, policier et écrivain (de polars justement) dans une Algérie en pleine guerre civile. Il est donc une cible particulière et la trouille lui colle au corps, l'empêchant de profiter de sa vie simple, le coupant de ses amis, de ses voisins et même de sa famille. Car on pourrait le prendre pour un célibataire endurci et grognon mais non, il a des enfants et une femme, qui chaque jour s'inquiète de le voir rentrer à la maison... ou pas. La guerre est partout, la violence aussi, les nuits ne sont pas sûres, les jours non plus. Alger est une ville en sursis.

"Désormais, dans mon pays, à quelques brasses de non-retour, il y a des gosses que l'on mitraille simplement parce qu'ils vont à l'école, et des filles que l'on décapite parce qu'il faut bien faire peur aux autres.
Désormais, dans mon pays, à quelques prières du bon Dieu, il y a des jours qui se lèvent uniquement pour s'en aller, et des nuits qui ne sont noires que pour s'identifier à nos consciences..."

Le commissaire Llob est chargé, en secret, de retrouver une fille de bonne famille disparue depuis 3 semaine. Autant le dire tout de suite, les vrais amateurs de polars, passez votre chemin ! L'enquête n'est qu'un prétexte pour évoquer la corruption, la violence, l'intégrisme et l'ambiance lourde et délétère qui règne à Alger.

Yasmina Khadra surprend par son écriture. C'est une écriture coup de poing. Le commissaire Llob est amer, inquiet, triste aussi de l'évolution de son pays.

"J'ai connu un petit dealer. Un merdeux tout en répugnance, aussi à l'aise dans le péché capital qu'un morpion dans une culotte de hippy. Aujourd'hui il a un fusil à canon scié, un verset sur le bout des lèvres et il se venge allègrement de ceux qui lui mettaient le grappin dessus.
N'en déplaise aux imams révérés, si ce fumier échouait au paradis, moi, je me ferais châtrer par un plombier."

Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, ce n'est pas un livre totalement noir. Les expressions et le vocabulaire du commissaire Llob ajoute de la couleur et même de l'humour ! Et une bonne touche de réalisme sur la situation des algériens à cette époque et pour l'avenir.

"Un jour, peut-être, je pourrais vadrouiller dans les boulevards de ma ville en toute quiétude. La nuit aura, pour mon sommeil, d'attendrissantes confidences. J'aurais des gosses autour de ma bedaine, et les lunettes de soleil sur la gueule pour me croire en croisière. Je pourrai me permettre d'aller au théâtre rire de mes propres déconvenues, ou bien chercher mon lait chez le boutiquier du coin sans craindre les badauds. Seulement, je ne pense pas regarder mes compatriotes avec les yeux d'antan. Quelque chose aura rompu les amarres de mon port d'attache. Je n'aurai pas de rancune - pas assez de place dans mon chagrin- mais toutes les minauderies des drôlesses ne sauraient me réconcilier avec ceux que j'estime être aujourd'hui mes fossoyeurs potentiels."

Une lecture que j'ai beaucoup apprécié. J'ai eu l'occasion de me rendre en Algérie, il y a quelques années, et j'ai retrouvé dans cette lecture, les souvenirs d'une vieille femme qui m'avait raconté qu'à cette époque, au moins un policier été abattu chaque jour. La souffrance est encore présente.

Merci à Lasardine de m'avoir permis de découvrir cet auteur... je l'avais repéré sans jamais oser tenter l'expérience. Désormais, je vais pouvoir découvrir ses autres titres... avec toujours une légère appréhension liée au sujet traité.

3 commentaires:

Mélopée a dit…

Une belle découverte si j'en crois tes mots. Pas tout à fait mon style mais pourquoi pas ?!

lasardine (la ronde des post-it) a dit…

je suis contente que tu aies apprécié! :)
je ne connais pas encore Khadra sur ce registre, mais je pense que je vais essayer de le découvrir dans un avenir proche :)

et pour le chocolat... hiiiiii!!!! une tuerie oui!!! :D

Sandy a dit…

@ Mélopée : je n'aurais pas cru que c'était mon style non plus !

@ Lasardine : Merci encore de m'avoir permis de découvrir cet auteur !

Humm, le chocolat était fondant... humm