Le coeur cousu - Carole Martinez

J'ai patienté longtemps avant de lire ce livre. Je l'avais acheté sur un coup de tête, parce que le titre et la couverture me plaisait. Et puis j'avais un peu trainé pour le lire... parce qu'il me faisait un peu peur ! Peur d'être déçue car je soupçonnais un gros potentiel, potentiel confirmé puisqu'il fait partie de la sélection des bloggeurs pour le challenge de Théoma.

Et puis L'or des chambres m'a proposé une lecture commune... parfait pour se donner du courage à deux ! Et comme on avait laissé un grand délais pour la lecture, j'étais finalement bien contente de pouvoir enfin le lire !

Elles se sont joints à nous : Pickwick, Anjelica, Delphine et Lounima.

Je lève le suspense immédiatement ! Il n'y a aucune déception à la lecture de ce roman pour moi. Bien au contraire. Ayant fait une pause lecture de 15 jours avant de l'ouvrir, j'ai même l'impression de l'avoir mieux dégusté (un peu comme un carême avant l'orgie !). J'ai savouré chaque mot, Carole Martinez a une très belle écriture, ce fut un régal. Elle m'a transporté dans son monde, dans la chaleur de l'Andalousie et la blancheur du désert.

"Il faudrait bientôt retenir son souffle, vivre sur ses réserves de fraîcheur, et rester terré derrière la pierre blanchie jusqu'en fin d'après-midi. Alors seulement, on pourrait jouir de la lumière crachée par l'astre moribond, on pourrait le regarder s'empaler sur l'horizon sec et tranchant comme une lame et disparaître lentement derrière le grand couteau des montagnes ensanglantées dans un énorme râle de couleurs. Puis la nuit coulisserait d'est en ouest, noire, toute mitée par endroits, et un souffle viendrait peut-être agiter l'air brûlant, un souffle chargé de parfums salés, mouillés."

Elle a même devancé mes attentes puisque j'espérais un joli conte où se mêle le fantastique et j'ai eu bien plus que ça. Car le personnage de Frasquita n'a rien de la jolie princesse à qui tout réussi. Elle eu beaucoup d'enfants, certes, mais ne vécut point heureuse pour autant (du moins pas toujours). Son personnage évolue tellement d'ailleurs. J'ai l'impression qu'il s'agit de deux personnes bien différentes lorsque l'on compare la jeune Frasquita à la femme qu'elle deviendra. L'histoire et la moral de ce récit est plus complexe qu'un simple conte et c'est là que Carole Martinez a réussit à me toucher.

Et puis j'ai aimé être ainsi plongée dans un monde de femmes, à part, secret...

"Par-delà le monde restreint de leur foyer, les femmes en ont surpris un autre.

Les petites portes des fourneaux, les bassines de bois, les trous des puits, les vieux citrons se sont ouverts sur un univers fabuleux qu'elles seules ont exploré.

Opposant à la réalité une résistante têtues, nos mères ont fini par courber la surface du monde du fond de leur cuisine.

Ce qui n'a jamais été écrit est féminin."

Carole Martinez aborde ici plusieurs thèmes : l'amour entre un homme et une femme, l'amour d'une mère, l'amour pour une mère, la folie, la mort, la religion et les superstitions paysannes, la liberté...

"Ô mère, il me faut ramener des profondeurs un monde enseveli pour y glisser ton nom, ton visage, ton parfum, pour y perdre l'aiguille et oublier ce baiser, tant espéré, que jamais tu ne m'as donné !

Il me faut te tuer pour parvenir à mourir... enfin."

Une lecture poétique et merveilleuse, pleine de contrastes, qui m'a séduite.